Pourquoi une exposition virtuelle : Cyber-Incursion 

Internet est l’endroit des opportunités et des informations illimitées pour les uns alors qu’il reste peu accessible pour d’autres à cause à de la qualité et la cherté de la connexion. Certains aussi manquent simplement d’appareils électroniques leur permettant de se connecter ou alors ne peuvent accéder aux informations en ligne qui ne sont pas offertes dans leur langue natale. Ces réalités font que des gens privilégiés dominent la production de récits. En effet, la plupart des articles sur Kinshasa sur internet sont écrits par des auteurs qui ne se trouvent pas en Afrique et cela influence bien sûr la perception qu’ils ont du continent. Contrôlé par des multinationales occidentales comme Google et Facebook, internet ne permet souvent la dissémination de savoirs que selon des modèles occidentaux établis.

Ces réalités ont de plus eu une influence directe sur les activités du Laboratoire Kontempo. Compte tenu de la pandémie Covid-19, les échanges pendant le projet devaient se dérouler en partie sur internet, à travers des appels vidéo, des partages de fichiers numériques, de vidéos et photos, etc.
À cause de la connexion lente, les échanges internationaux avec nos collègues au Cameroun, en Belgique et en Autriche ont été assez difficiles et limités. Malgré tout, le projet Laboratoire Kontempo persiste à s’imposer sur la toile en proposant une exposition virtuelle et des récits alternatifs allant au-delàs des courants dominants de pensée. Le projet offre un point de vue local, de Kinshasa, sur des sujets artistiques discutés localement et internationalement comme sur les stéréotypes dans la perception de l’Afrique/culture africaine, les dynamiques du pouvoir, les hiérarchies linguistiques et épistémiques et l’eurocentrisme.

Synthèse :

Le Laboratoire Kontempo, basé à Kinshasa réunit plusieurs artistes et spécialistes, chercheurs et intellectuels locaux et internationaux pour créer des synergies artistiques dans un contexte expérimental en mutation. Suivant une approche transdisciplinaire et expérimentale, le projet explore les possibilités artistiques d’aujourd’hui.

Concept :

Actuellement nous vivons une ère postcoloniale à Kinshasa. Il est vrai que les traces de la colonisation sont devenues floues, mais elles sont bien présentes, et les constructions psychosociales de l’époque coloniale persistent.

Frantz Fanon appelle les résidus psychiques les psychoses réactionnelles des structures du pouvoir qui se manifestent dans la manière de se comporter, dans le rapport à l’autre et dans la conception du monde.

Le Laboratoire Kontempo veut détecter et questionner les dynamiques du pouvoir dans le secteur de l’art contemporain. Celles-ci sont liées à l’histoire coloniale et aux structures néocolonialistes comme par exemple les hiérarchies d’interdépendance, selon la loi de la demande et de l’offre du marché, entre les artistes, les institutions et les individus qui ont le pouvoir du financement de certains projets.

Actuellement et suivant cette dynamique, les artistes considérés comme  » contemporains  » à Kinshasa travaillent souvent à l’intérieur d’un système de codes façonné par des valeurs artistiques occidentales et négocient en même temps des thèmes dits “ typiquement africains  » selon une perspective supposée occidentale. Cette tendance domine l’art contemporain international et fait partie des structures du pouvoir néocolonial. Le Laboratoire Kontempo s’interroge sur ces structures et souhaite ainsi développer de nouvelles stratégies pour la création artistique, afin d’aboutir à de nouveaux codes et pour utiliser différemment les codes existants.
Achille Mbembe affirme dans Sortir de la Grande Nuit (2010), que les artistes peuvent changer le cours de la post-colonialité africaine. Les artistes sont donc invités à naviguer dans ce système d’interdépendances à travers des expressions visuelles.

Méthode de travail : Coopération transdisciplinaire et dialogue entre la pratique, la théorie, la critique et l’art

Ce projet essaie de contourner et déconstruire les dynamiques de pouvoir. Il encourage un détachement des courants dominants de pensée et une conscience de l’existence de traces psychosociales de la colonisation et de hiérarchies linguistiques, spirituelles et épistémiques dans notre société actuelle et notre système mondial eurocentriste.

Le point de départ expérimental du Laboratoire Kontempo créé un environnement collaboratif pour tous les artistes participants et les théoriciens. Les méthodes de travail sont élaborées de façon collaborative dès le début du projet de Laboratoire Kontempo : des problèmes et des thèses sont proposés par les artistes et les théoriciens eux-mêmes, puis sont formalisés. À travers des analyses, différentes hypothèses sont ensuite confirmées ou rejetées. L’approche transdisciplinaire du Laboratoire Kontempo permet d’apporter des éléments de réponse divers. 

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1 Franzt Fanon, Les Damnés de la Terre (1961)

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Concept et porteurs du projet : Mukenge/Schellhammer https://mukengeschellhammer.com/

Mukenge/Schellhammer
Mukenge/Schellhammer

Le duo congolais/allemand Mukenge/Schellhammer (Christ Mukenge : Né à Kinshasa, en 1988, Lydia Schellhammer, né à Konstanz, en 1992) qui dirige ce projet est un cobaye pour la pensée et la pratique post-postcoloniale dans le Kinshasa d’aujourd’hui.

Un projet réalisé en collaboration avec le Goethe-Institut Kinshasa.

Nos partenaires: Ambassade de l’Allemagne à Kinshasa, Plateforme contemporaine, Centre Wallonie Bruxelles, Académie des Beaux-Arts de Kinshasa, Bomoko Connexion ASBL.